Jérôme Bost
né en 1942 entre en 1960 à l'école des Beaux Arts du Havre puis il s'inscrit à l'académie de la Grande chaumière à Paris.
En 1962 il est à Florence. L'esprit de la renaissance toscane le marque profondément. A Paris de 1963 à 1969 il s'intéresse à l'œuvre de grandes figures de l'art contemporain : Bacon, de Kooning, Giacometti, Mousteguy et pratique une peinture expressionniste et gestuelle out en recherchant une expression picturale propre. Collabore aux premières émissions en couleur à la télévision de Jean Christophe Averty, comme graphiste.
En 1969 il part pour le Japon. C'est le début d'un périple en extrême-orient qui dure quatre ans pendant lesquels il travaille, d'après nature, au pastel gras.
En 1973 il s'installe en Italie en Haute-provence ou commence pour 20 ans un travail méthodique au pastel à l'huile sur son rapport avec le paysage.
En 1993 débute à Paris une enquête sur la ville (vue de la rue) dans la continuité de la précédente.
depuis 99, toujours "sur le motif" il a pris pour sujet l'océan et récemment de nouveau Paris mais cette fois vu d'en haut, comme une mer à ses pieds. Il est présenté à la Galerie Albert Loeb Paris et à Gallery Sakiko New York
Marc Thuret, à propos de Jérôme Bost
Jérôme Bost a créé en quarante ans une œuvre qui a beaucoup évolué tout en restant fidèle aux mêmes objectifs: peindre en s’approchant le plus possible des confins du figuratif, s’affranchir du sujet sans basculer dans l’abstraction, rester lisible sans être naïf, académique ou platement photographique. Il a choisi pour cela le pastel : la couleur pure en contact direct avec les doigts et appliquée, devant le paysage, dans les conditions de la peinture de plein air, sur des toiles dont les dimensions transcendent les ressources de sa technique, lui conférant parfois les ambitions de la fresque. Un souffle épique passe à travers les plus grands formats. Les récentes vues de Paris par exemple racontent le paysage urbain tout en le décomposant en fragments informels imbriqués les uns dans les autres. A travers le fourmillement de la toile transparaît une histoire dans laquelle le grand boulevard se surimpose à la rue médiévale, le béton succède à la pierre de taille et cohabite avec elle. Nulle anecdote cependant ne retient l’attention. On est à peine tenté d’identifier les monuments. Ils se présentent sous un angle incongru ; ils occupent comme par hasard le champ visuel d’un observateur qui les intègre sans leur accorder d’importance dans le mouvement qui anime la surface du tableau.
Depuis sa formation dans le tourbillon d’interrogations, d’expérimentations et de remises en cause des années 60, Jérôme Bost a traversé et peint bien des paysages, qui ont souvent aussi représenté pour lui des projets de vie. Il a nomadisé en Asie du Sud-Est et aux Indes en notant ses impressions au pastel et à l’aquarelle. Puis il s’est fixé dans un coin isolé et grandiose des Alpes-de-Haute-Provence, peignant sans relâche, sous forme de séries le plus souvent, et sur des formats de plus en plus impressionnants, les motifs de son entourage immédiat : le flanc d’une colline inculte, les pans de mur d’une ferme en ruine, un champ fraîchement labouré, des touffes ou des alignements de lavandins. Il les a peints par tous les temps, en toute saison, sous toutes les perspectives, toujours face au motif. Il les a peints jusqu’à ne plus les voir. Il aurait pu, il a peut-être alors failli, être happé par le vertige de l’abstraction. Il a préféré revenir sur terre, quitter un paysage qu’il avait et qui l’avait épuisé, revenir en ville, à Berlin d’abord, où il a, quelques mois durant, planté son chevalet devant des friches industrielles, des fosses de chemin de fer ou le célèbre mur qui divisait alors la ville. A Paris ensuite, où il peint, toujours devant le motif, des coins de rue, des façades et des mansardes anonymes, des cours et des hangars que nul touriste ne visite, affirmant, comme par le passé, l’indifférence du sujet, la prédominance du regard individuel et du geste qui le restitue.
Ce retour à la ville ré enclenche un processus d’évolution vers l’abstraction qui ne trouvera toutefois son débouché que dans un nouveau changement d’horizon. A partir de 1999, Jérôme Bost fait périodiquement retraite dans les Landes et, bravant le vent, les caprices de la lumière et du climat, peint, sur grand écran pour ainsi dire, des images de l’océan aussi imprévisibles et monotones, aussi agitées et rectilignes, aussi nuancées et monochromes que l’océan lui-même, traité en grandes surfaces que seule la ligne séparant les couleur du ciel et de la mer rattache encore au projet figuratif. C’est dans ces œuvres que l’artiste se rapproche le plus sans doute de la formule qu’il a recherchée à travers toutes les autres. Mais l’horizon marin l’a aussi aidé à revenir au paysage urbain. Depuis les points de vue élevés où il a désormais choisi de planter son chevalet, Paris lui apparaît comme une houle de façades et de toits aussi peu distincts les uns des autres que les vagues de la mer. Le regard embrasse leur moutonnement, l’accumulation de formes à peine figuratives suggère l’entrelacs des immeubles et des rues, mais aussi la confusion et les vibrations qui montent de la ville, des sensations et des associations allant au-delà de ce que veut d’ordinaire transmettre la peinture
Les oeuvres de la dernière période, inspirées par la mer et par Paris, représentent l’aboutissement d’une recherche dont on aurait tort de mépriser les étapes. A tous ses stades l’œuvre de Jérôme Bost offre les mêmes qualités de rigueur, d’honnêteté et de solidité technique. L’artiste projette sur la toile d’un geste remarquablement souple et sûr ce que lui dicte son regard. Virtuosité, mais aussi énergie et endurance se lisent dans le tracé laissé par sa main. Il ne cède jamais aux facilités que procure la maîtrise du métier. Chaque œuvre est une entreprise de reconquête, sur le terrain, puis dans l’atelier, où la toile est examinée d’un œil critique et souvent retravaillée, d’où elle est ramenée s’il le faut sur le lieu de sa naissance. Les œuvres qui ont franchi ce tribunal ont toutes le pouvoir de recréer la vision de la nature, tout en exerçant la mystérieuse séduction de la peinture abstraite, chargée d’allusions et de secrets susurrés à l’oreille de celui qui sait la regarder, et compréhensibles de lui seul.
Le réalisme de Jérôme Bost est ainsi teinté d’une part de mysticisme, qui tient peut-être à sa volonté de voir la nature sans postuler son objectivité. Ce qu’il projette sur la toile, c’est une vision qu’il veut affranchie de tout savoir appris, aussi bien sur les propriétés des éléments qui composent le monde que sur les règles de sa représentation : perspective, composition, proportions et cadrage. Il les recrée au contraire en fonction de ce qu’il voit. Rien n’est dans l’intellect qui ne soit préalablement passé par les sens. La peinture de Jéröme Bost remet pour ainsi dire le projet artistique sur ses pieds en rappelant cette loi. Les joies de l’abstraction sont plus subtiles encore quand elles restent connectées au monde sensible. Il suffit de regarder les œuvres de ce peintre pour s’en convaincre.
Marc Thuret
Janvier 2009